Walmart vend via ChatGPT : distribution et données à revoir
Le commerce parle, la conversion suit – une nouvelle porte d’entrée
ChatGPT devient un point de vente à part entière. Avec Walmart qui ouvre l’achat direct depuis la conversation, la requête vocale ou textuelle se transforme en panier et paiement, sans quitter le chat. Pour les entreprises, la question n’est plus « faut-il y aller ? », mais « comment intégrer ce canal tout en gardant la main sur la donnée client, les marges et l’expérience ».
ChatGPT, caisse unique et protocole ouvert : ce qui change
Le 14 octobre 2025, Walmart a annoncé un partenariat avec OpenAI pour permettre de faire ses courses dans ChatGPT via la fonction « Instant Checkout », déployée à l’automne 2025 ( TechCrunch ). Les utilisateurs planifient un repas, réassortissent des essentiels ou découvrent des articles en discutant, puis valident l’achat depuis le chat. Les vendeurs tiers de Walmart seront pris en charge dès le lancement, Walmart restant le marchand de référence pour le traitement, la livraison et les retours ( communiqué Walmart ).
Sous le capot, OpenAI a publié un standard ouvert, l’Agentic Commerce Protocol, développé avec Stripe, sous licence Apache 2.0. Il permet de finaliser des transactions entre agents IA, marchands et processeurs de paiement ; l’intégration peut être très rapide si le marchand utilise déjà Stripe ( OpenAI, Instant Checkout ; documentation développeurs ). La première vague de partenaires comprenait Etsy et plus d’un million de marchands Shopify, avant que Walmart ne rejoigne l’écosystème ( Shopify, OpenAI ). Les paniers multi-articles ne sont pas encore activés mais sont annoncés comme « à venir ».
Le pari commercial est ambitieux : ChatGPT revendiquait plus de 700 millions d’utilisateurs hebdomadaires en 2025, puis 800 millions selon Sam Altman début octobre 2025 ( OpenAI, TechCrunch ). Walmart, qui a déjà déployé son assistant maison Sparky et accéléré la mode via l’IA générative, s’appuie sur une relation préexistante avec OpenAI (certifications et ChatGPT Enterprise) ( Walmart Sparky, Walmart corporate ). L’annonce a été saluée en Bourse, le titre gagnant plus de 5% le jour J ( Morningstar/MarketWatch ).
Du GTM à la donnée client : ce que les entreprises doivent recalibrer
Dans les faits, ChatGPT devient un point de conversion « conversationnel ». Les recommandations sont organiques et non sponsorisées ; l’agent classe les vendeurs selon la disponibilité, le prix, la qualité, le statut de vendeur principal et l’activation d’Instant Checkout. Les marchands paient des frais sur la transaction ; l’utilisateur ne paie pas de surcoût et les prix produits ne changent pas ( OpenAI, Instant Checkout ). Ce modèle peut déplacer des budgets d’acquisition et redistribuer des marges : la visibilité se jouerait d’abord sur la pertinence et la qualité de données.
Côté « go-to-market », l’axe prioritaire est la découvrabilité dans un paradigme « parler → découvrir → acheter ». Le marché du conversational commerce pourrait atteindre entre 11,26 et 32,67 milliards USD selon les études, avec une croissance annuelle à deux chiffres ( Mordor Intelligence, Future Market Insights ). Pour mémoire, le taux de conversion e‑commerce moyen oscille entre 2% et 3% ( Smart Insights ). Les recommandations pertinentes peuvent, selon des benchmarks sectoriels, accroître les revenus et la valeur de commande moyenne de façon marquée ( SellersCommerce ).
La donnée devient le levier critique. Le protocole prévoit que le marchand garde la main sur la commande, le paiement et la relation client. Reste à préciser contractuellement ce qui remonte dans le CRM/CDP : email, consentements, événements d’achat, historique, préférences, mais aussi les limites de réutilisation. OpenAI renseigne un paramètre utm_source=chatgpt.com pour l’attribution du trafic ; par ailleurs, nombre de sites bloquent involontairement l’indexation produits par OAI-SearchBot via leur robots.txt, ce qui nuit à la visibilité dans ChatGPT ( Atwix ). Un « product feed » au format OpenAI est aussi prévu, ce qui rapproche ce canal d’un Merchant Center conversationnel ( OpenAI docs ).
Sur la conformité, le commerce conversationnel oblige à réviser les bases : consentement explicite avant collecte, information claire, droit d’accès et d’effacement, et accord de traitement des données (DPA) avec les fournisseurs tiers qui manipulent des données clients ( Quickchat guide RGPD, GDPR.eu DPA ). Les paiements transitant par Stripe, il faut aligner PCI/DSS et 3DS/SCA, et garantir une continuité de service contractuelle (SLA) entre tous les maillons.
La surface d’attaque API s’élargit. 57% des organisations déclarent des violations liées aux API sur deux ans, 73% d’entre elles avec plusieurs incidents ; 99% signalent des problèmes de sécurité API sur un an, et 65% jugent l’IA générative à risque pour leurs API ( Risk Ledger ). L’intégration d’un protocole agentique exige inventaire des endpoints, limites de taux, contrôle des secrets, filtrage d’injection et journalisation granulaire, sans quoi le canal de vente se mue en vecteur d’exposition.
Points de vigilance à cadrer avant un pilote
- Intégration API: implémenter l’Agentic Commerce Protocol et un product feed propre, tester les paniers multi‑articles dès qu’ils arrivent.
- Découverte: autoriser OAI-SearchBot, enrichir attributs produits et avis, tracer via utm_source=chatgpt.com.
- KPI: définir conversion, panier moyen, coût d’acquisition, délais de livraison/retour, NPS conversationnel et taux d’abandon en chat.
- Données et contrat: DPA tripartite (marchand–OpenAI–Stripe), finalités, rétention, portabilité, accès aux logs et auditabilité.
- Paiement et SLA: exigences SCA/3DS, clauses de disponibilité et rémédiation, mécanismes de bascule en cas d’indisponibilité de ChatGPT ou Stripe.
- Sécurité API: inventaire, rate‑limiting, tests d’injection, chiffrement en transit, isolation des environnements, rotation des clés.
Décryptage : la distribution conversationnelle rebattue par les agents
Le mouvement Walmart n’est pas isolé. Amazon a lancé « Buy for Me », où des capacités agentiques achètent au nom du client dans l’application Amazon, y compris sur d’autres sites de marques ( Amazon ). On entre dans une compétition entre agents qui « entendent » un besoin exprimé en langage naturel, le traduisent en panier et arbitrent entre offres. La question pour les marques est simple : qui tient le volant de la découverte et de la marge lorsque l’agent est l’interface principale ?
L’ouverture technique d’OpenAI change la nature du risque plateforme. Un protocole open‑source sous Apache 2.0, compatible Stripe, réduit le verrouillage côté intégration et laisse le marchand « marchand de référence ». Mais l’arbitrage algorithmique – organique et non sponsorisé selon OpenAI – reste la clé d’allocation de la demande. Les enseignes qui maîtrisent qualité de catalogue, prix, disponibilité et logistique seront favorisées. À l’inverse, des catalogues pauvres en attributs, images ou avis seront invisibles, quelle que soit la mise média.
Pour Walmart, l’annonce capitalise sur un double pari : son propre assistant Sparky pour les propriétés détenues, et ChatGPT pour capter l’intention hors site. C’est une architecture de distribution en « double pile » : propriétaire pour fidéliser, conversationnelle ouverte pour recruter. L’avantage est d’orchestrer le meilleur des deux mondes si les données transitent proprement et si les retours/échanges restent fluides, ce que confirme la promesse de contrôle de bout en bout du marchand dans le protocole ( OpenAI, Instant Checkout ).
L’angle ROI doit rester pragmatique. Le taux de conversion e‑commerce restant bas, l’enjeu est d’augmenter la probabilité d’achat à l’instant où l’intention est formulée. La conversation – texte, voix, image – permet un tri contextuel plus fin, qui explique l’optimisme autour des recommandations personnalisées. Mais l’absence initiale de paniers multi‑articles limite certains cas d’usage (courses hebdomadaires, listes professionnelles), même si cette capacité est annoncée. Les premiers pilotes devront établir des baselines par catégorie et par requête pour éviter les illusions d’optique.
Il y a enfin une bataille de standards. Amazon avance ses propres modèles (Nova) et intègre Claude ; OpenAI promeut un protocole ouvert et un moteur d’indexation (OAI-SearchBot) crédible pour le shopping. Pour les marques et retailers, multiplier les canaux agents impose une discipline d’ingénierie produit (données propres, schémas unifiés, politique robots.txt maîtrisée) et un pilotage contractuel (SLA, DPA, droit à l’audit). La bascule vers une « distribution conversationnelle » réintermédie la relation : plus qu’un nouveau « bouton », c’est un nouveau rayon.
À retenir pour agir
Walmart qui vend dans ChatGPT installe la conversation comme point de vente. Les entreprises gagnantes seront celles qui traitent ce canal comme une place de marché à part entière, avec une intégration API robuste, des clauses données solides et des KPI clairs. À court terme : lancer un pilote contrôlé, sécuriser un DPA et un SLA, et construire une boucle d’attribution pour décider d’un déploiement élargi.