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Sora, propriété intellectuelle: le risque pour openai

L’IA vidéo explose, le droit d’auteur vacille

Bob l’éponge grimé en dictateur, Mario et Goku se serrant la main, Pikachu en conférence ASMR: la nouvelle application de vidéo générative d’OpenAI alimente une déferlante de contenus mettant en scène des personnages protégés. Dans les faits, Sora est devenu un laboratoire à ciel ouvert des limites du droit d’auteur à l’ère des modèles multimodaux. Pour openai, les plateformes qui distribuent ces vidéos et les marques concernées, le risque n’est pas seulement juridique: il est aussi réputationnel, contractuel et opérationnel.

Sora 2 chez OpenAI: un lancement qui bouscule les limites du copyright

Fin septembre 2025, OpenAI a présenté Sora 2 et une application dédiée affichant un flux « à la TikTok » de clips générés par l’IA. L’éditeur met en avant un dispositif de sûreté renforcé: watermark visible, métadonnées C2PA, filtrage multi-couches des prompts et des sorties, et un régime de « cameos » à consentement pour la ressemblance des utilisateurs Lancement de Sora de manière responsable.
OpenAI affirme aussi honorer les demandes de retrait en cas d’atteinte au droit d’auteur et bloquer la musique imitant des artistes vivants.

Dans la pratique, la curation du flux et l’ampleur des partages font remonter de nombreuses vidéos qui réutilisent des personnages sous copyright dans des contextes inédits, parfois déplacés. La qualité technique des rendus – cohérence physique, multi-plans, voix synthétiques – brouille la frontière entre production officielle et pastiche avancé. Pour les ayants droit, cette viralité complique l’identification rapide, le retrait et la prévention de la récidive, tandis que les utilisateurs jouent avec la frontière parodique et les zones grises du fair use.

Les références juridiques, elles, évoluent plus lentement. Aux États‑Unis, le Copyright Office a rappelé les limites de la protection pour les œuvres générées par IA et l’obligation de divulguer l’apport humain. AI Initiative du Copyright Office.
En Europe, le débat s’adosse désormais à l’AI Act adopté en 2024, qui impose transparence et obligations renforcées selon les usages, sans régler pour autant l’intégralité des questions de droit d’auteur. AI Act du Parlement européen.

Plateformes, studios, annonceurs: pourquoi cette déferlante est un risque business

Côté plateformes et distributeurs d’apps, Sora rebat les cartes de la modération. La détection de l’atteinte au copyright n’est pas un simple filtrage de nudité ou de violence: elle suppose d’identifier un personnage, d’évaluer la similarité et de qualifier l’usage (parodie, critique, confusion possible). Modérer à l’échelle, en temps quasi réel, grève les coûts d’exploitation, et l’erreur de calibration expose à des vagues de retraits, d’avertissements et de litiges.

Pour les studios, détenteurs de franchises et agents, deux fronts s’ouvrent. D’abord, la protection des actifs: chaque diffusion virale d’un personnage dans un contexte contraire à l’image de la marque peut créer un préjudice réputationnel difficilement chiffrable. Ensuite, l’économie des licences: l’accessibilité de l’IA vidéo déplace la valeur perçue des extraits et du dérivé, et met sous tension les contrats d’exploitation, qu’il faudra réécrire pour couvrir l’IA générative et ses cas d’usage.

Les annonceurs et plateformes publicitaires ne sont pas en reste. L’adjacence à des contenus potentiellement illicites crée des risques de brand safety classiques mais démultipliés par la vitesse de génération/remix. La conformité réglementaire européenne ajoute une couche: les hébergeurs doivent traiter promptement les signalements d’illégalité sous le DSA Règlement DSA 2022/2065, formaliser des procédures de notification-action, et documenter leurs mécanismes de modération.

Enfin, les intégrateurs et équipes produit qui branchent Sora dans des expériences clients (apps, jeux, campagnes sociales) héritent d’un risque contractuel. Il faudra insérer des clauses d’usage interdit, des garde‑fous sur les prompts, des capacités de blocage et de journalisation (audit trail). La traçabilité offerte par les métadonnées C2PA est un atout, mais ne dispense pas d’un dispositif de gouvernance interne: politique de contenu, RACI de validation, playbooks de retrait, et processus de réponse aux ayants droit.

Droit et technique: ce que change Sora par rapport aux précédents

La nouveauté n’est pas la fan‑art non autorisée, mais l’industrialisation. Les modèles vidéo à fort réalisme et la distribution sociale intégrée rendent l’output plus crédible, plus partageable et plus ambigu juridiquement. Une parodie « évidente » pour un public averti peut devenir confusionnelle dans un contexte algorithmique et multilingue.

Sur le plan juridique, trois tensions se croisent. La première porte sur la qualification des sorties: reproduction, œuvre dérivée ou création nouvelle? L’incertitude pèse sur la défense de fair use, d’autant que le caractère commercial/viral des flux joue contre l’exception. La deuxième concerne les droits moraux, plus protecteurs en droit français, où l’atteinte à l’intégrité de l’œuvre ou à la paternité est plus facilement mobilisable. La troisième touche aux droits de la personnalité et des marques: une mise en scène outrageuse d’un personnage peut aussi fonder des actions sur la marque ou la concurrence déloyale.

Les précédents récents signalent un durcissement. Le New York Times a attaqué OpenAI et Microsoft sur l’usage d’œuvres protégées pour l’entraînement et la restitution de passages substantiels, ouvrant une voie contentieuse sur la chaîne d’entraînement‑inférence.
De leur côté, des acteurs comme Nintendo, connus pour la défense très stricte de leurs IP, n’hésitent pas à agir en justice sur des usages non autorisés, y compris quand ils ne relèvent pas de l’IA.
Les vidéos Sora mettant en scène Mario ou Pikachu constituent donc des cibles prioritaires.

Côté technique, les garde‑fous existants montrent leurs limites. La curation des données d’entraînement ne suffit pas à empêcher la génération de ressemblances; l’analyse des sorties peine à qualifier en temps réel l’illégalité au regard d’IP multiples et de licences hétérogènes. Les approches de transparence (watermark, C2PA) améliorent la chaîne de responsabilité et la preuve, mais elles n’empêchent ni la création initiale ni la rediffusion hors plateforme. À terme, l’écosystème pourrait converger vers des solutions inspirées de Content ID (empreintes de personnages/styles, autorisations dynamiques, partage de revenus), mais leur mise en place suppose un accord industriel et des bases de référence fournies par les ayants droit.

Pour OpenAI, un équilibre s’impose entre innovation et conformité. L’entreprise communique sur le contrôle du likeness, les reports communautaires et la provenance technique OpenAI, sécurité de Sora.
Reste la question de la prévention ex ante de la reprise de personnages protégés et des mécanismes contractuels avec les détenteurs de catalogues: sans opt‑in clair et sans licences, l’exposition à des retraits massifs et à des contentieux demeure élevée.

Points de vigilance

  • Revue des politiques de contenu: interdire explicitement la génération de personnages protégés hors licences.
  • Filtrage renforcé: détection des IP sensibles, blocage de prompts, liste noire dynamique par franchise.
  • Gouvernance juridique: procédures « notice and action », délais et reporting conformes au DSA.
  • Clauses contractuelles: garanties d’indemnisation limitées, logs, droits d’audit, SLA de retrait.
  • Brand safety: contrôles d’adjacence publicitaire et scénarios de crise pour bad buzz.

En bref: cap à tenir pour ne pas se faire dépasser

La combinaison « modèle vidéo puissant + distribution sociale » fait de Sora un stress test grandeur nature pour la propriété intellectuelle. Les entreprises doivent anticiper modération, contentieux et renégociation des licences avant d’industrialiser des usages. Le chantier se joue autant dans les contrats et la gouvernance que dans l’ingénierie des garde‑fous techniques.

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